Les échanges d'autrefois obéissaient à des principes qui imprègnent encore largement les échanges contemporains.
Dans le fonctionnement d'une communauté villageoise du temps jadis, l'utilisation d'une monnaie est marginale. Pour des achats relativement courants, des produits chaque jour consommés servent de contrepartie. Une potière peut par exemple recevoir du mil contre ses pots. Les travaux d'envergure, quant à eux, sont rétribués en liens moraux. L'aide de proches parents pour construire une case rend le propriétaire moralement redevable. À charge de revanche.
En dehors du village, une solide base morale commune fait défaut et le sentiment d'être moralement lié ne peut être développé. Dans ces conditions, si l'échange matériel était déséquilibré, la partie avantagée ne se sentirait pas redevable et la partie mal payée se sentirait lésée. Les transferts doivent donc être réciproques et simultanés : le troc et les transactions monétaires sont de mise.
Les prix relatifs des biens suivent alors la loi de la bonne mesure économique : chacune des parties se devant d'être dans de bonnes intentions, elle fait attention à ce que ses interlocuteurs ne se sentent pas lésés par l'échange, sous peine de s'en faire des ennemis.
Entre villages distincts et en paix, la valeur d'un bien varie selon l'effort plus que le besoin. Une trop grande augmentation du besoin de tout un village — par exemple en cas d'épuisement des sols — débouche en effet sur un déménagement du village ou sur la fin de la paix.
La bonne mesure économique répartit les prix d'une manière analogue à la loi de l'offre et de la demande : à besoin constant, le prix augmente avec l'effort à fournir, donc avec la rareté ou l'éloignement. Prenons l'exemple de deux villages vivant de l'agriculture et produisant, l'un des poteries, l'autre des poissons séchés. Les liens de parenté entre les potiers d'une part, et ceux entre les pêcheurs d'autre part, interdisent des comportements véritablement concurrentiels. Malgré cela, si les poissons venaient à se raréfier, les potiers accepteraient tout de même d'échanger leurs poteries contre moins de poissons de peur que leurs interlocuteurs ne se sentent lésés.