Une fois comprise la valeur de l'effort et du besoin, étudions un mécanisme répandu : le jeu des dons équitables.
Dans une relation équitable, chaque personne fournit un égal effort. Aussi l'équité est-elle profitable au plus pauvre. Lorsqu'un pauvre fait l'effort d'inviter son riche ami, la convenance demandera à ce qu'il soit en retour invité plusieurs fois, car l'effort du riche est moindre.
Au fur et à mesure de ces invitations réciproques se renforcent les deux liens moraux qui attachent les deux amis l'un à l'autre. Les efforts sont équivalents, mais la valeur d'un don dépend aussi du besoin ressenti par le récipiendaire. Or, à ce jeu, le besoin du plus riche, non seulement est moins souvent comblé, mais est en outre inférieur à celui du plus pauvre. Le plus pauvre des deux amis, en contrepartie d'être plus souvent invité, devient rapidement un obligé du plus riche.
En devenant son obligé, le récipiendaire donne de l'importance au donateur. Cette position n'allant pas sans contraintes, l'ami pauvre se limite de lui-même et préfère espacer ses sollicitations.
On comprend comment l'effet du don engendre des inégalités dans les importances relatives des personnes. Et il en va de même pour toute forme de lien moral, car il est rare d'être également attaché.