Les sentiments amoureux sont aussi des liens moraux, ils n'échappent pas à la redistribution. Le niveau social est intuitivement évalué en fonction de la richesse, mais aussi de l'âge et du sexe. La relation courante — bien que cela reste tributaire des coutumes — sera une redistribution de l'homme vers la femme. Mieux vaut donc que l'homme soit le plus âgé et le plus riche du couple. Le mari donne des cadeaux à sa femme, l'amant à son amante, le chéri à sa chérie et le coureur de jupons à sa copine d'un soir.
Cela est particulièrement vrai en ville où le cadre des traditions s'érode : les sentiments se développent volontiers au travers d'une liaison morale sans cesse renforcée par des cadeaux. Sans cadeaux, pas de sentiments, pas de projet de vie en commun, pas de sexe. Croire que l'homme profite de sa richesse pour s'acheter l'amour ou croire que la femme vend le sien, c'est passer à côté de la vérité, de la sincérité des sentiments dans des sociétés communautaires.
Mais alors, si des relations sexuelles se font dans un contexte constant de transfert d'argent, quelle différence avec la prostitution ? Une fille non mariée se fait parfois entretenir par plusieurs copains quand une prostituée peut avoir juste quelques clients. L'une comme l'autre les choisit en fonction, entre autres, de leur solvabilité. L'une comme l'autre ne coucherait pas s'il n'y avait pas d'argent en jeu. Pour chacune, ce peut être (ou ne pas être) la principale rentrée d'argent. On ne peut discriminer avec les seuls faits objectifs. Pour savoir si une relation est ou non de la prostitution, il faut regarder du côté des sentiments.
Les Occidentaux mélangent moins aisément sentiments et argent. Un cadeau demandé par une fille africaine à son copain occidental risquera de fournir l'occasion à ce dernier de se détacher tout en provoquant chez la fille un attachement sincère.