Les infrastructures ne sont pas prévues pour le voyageur qui souhaiterait se débrouiller seul : les rues ne sont pas toutes nommées ni même bien tracées, les panneaux pour les éventuels noms des rues sont rarissimes, les plans plutôt inexistants… Les points de repères servant à indiquer une direction à un taxi ne s'inventent pas et les transports fonctionnent différemment d'une ville à l'autre. Sans aide, le voyageur est vite perdu.
Lorsqu'un voyageur prévoit de se déplacer dans un endroit qui lui est inconnu, le réflexe individualiste est de se procurer un plan de l'endroit. Le réflexe communautaire est plutôt de toujours se faire accompagner une première fois par une personne de confiance qui, elle, connaît le lieu.
Un Africain voyageur ne prévoit que rarement ce qu'il faut pour le trajet et compte sur les enfants et autres vendeurs à la sauvette qui ne manqueront pas de venir proposer leur production. Il existe une raison à cette imprévoyance africaine. Un proverbe dit, en France, que l'on reconnaît ses vrais amis dans l'adversité. La réalité est quelque peu différente : les problèmes créent les conditions pour que de solides liens d'amitié puissent naître. L'autonomie, c'est l'absence de problème, c'est l'absence de besoin d'autrui. L'autonomie empêche le développement de liens moraux. Ce sont pourtant les liens moraux perpétuellement recréés qui garantissent la sécurité de l'individu.
Lorsqu'on voyage en Afrique, il ne faut pas être autonome. Il est nécessaire de se recréer en permanence un entourage. Et pour cela, il faut échanger, donc s'appuyer sur autrui.