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Chapitre 49

Où est la liberté ?

La liberté individuelle… Quelle est donc cette liberté dont l'Occident se veut champion ?

On peut distinguer deux natures de contraintes s'exerçant sur la liberté d'un individu : les contraintes personnelles et celles impersonnelles.

Une contrainte personnelle s'adresse « personnellement » à la conscience de l'individu. Elle réduit sa liberté d'être « lui-même », de s'accomplir en suivant ses choix propres. Tel est le cas du jugement réprobateur d'un entourage, ou encore d'un rôle assigné par la coutume. Dans les sociétés communautaires, la cohésion sociale et les inégalités prévues par les coutumes créent des contraintes personnelles fortes. Les sociétés occidentales aux idéaux individualistes s'attaquent à ces contraintes.

Une contrainte impersonnelle est perçue comme générale et est plutôt interprétée par la raison de l'individu. Elle réduit d'une façon globale la liberté d'entreprendre, d'agir comme on le veut. Il s'agit des divers normes et règlements publics et privés, trouvant le plus souvent leur justification dans la nécessité de s'organiser. Les contraintes impersonnelles des fonctionnements communautaires sont souples : les règles sont adaptables par le jeu du consensus, les propriétés et activités sont aisément accessibles moyennant des redevances qui n'ont rien de dissuasif. En Occident en revanche, le recul de la morale publique conduit à un dispositif normatif rigide. Les bureaucraties atténuant les contraintes personnelles sont financées par des contraintes fiscales de nature impersonnelle. L'usage exclusif des propriétés privées interdit ou restreint leur accès au premier venu.

Remarquons que la distinction proposée ici contient une part de subjectivité. Une loi à caractère général, par exemple, est une contrainte impersonnelle tant qu'elle ne choque pas la moralité. Mais si elle est perçue comme illégitime, elle devient une contrainte personnelle pour ceux qu'elle frappe. Ou encore, à l'inverse, lorsqu'une coutume oriente quelqu'un vers une fonction sociale particulière, plus la personne s'en accommode de bon cœur et moins la contrainte est personnelle.

L'Occident bascule néanmoins d'une forme de liberté individuelle vers une autre. Il bascule simultanément des liens moraux vers les contrats, des comportements conservateurs vers une fuite dans le progrès, de l'inégalité sociale vers une égale dignité… Un grand basculement facilitant le développement des individualités.

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