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Chapitre 33

La médecine traditionnelle

Un individu malade en Occident est soigné indépendamment de son entourage. Les administrations trouvent les moyens de l'aider à vaincre sa maladie — à l'instar, par exemple, du chercheur d'emploi dont la démarche est essentiellement solitaire. La cohésion sociale africaine engendre une problématique différente. Une maladie grave affecte non seulement la personne touchée, mais aussi l'équilibre de l'ensemble de la communauté.

Qu'il en soit la cause ou la conséquence, un symptôme perturbant une personne s'accompagne en Afrique de tensions familiales. Ceci explique peut-être un certain retournement de la problématique : tout déséquilibre familial ou corporel est considéré et traité en tant que maladie. La malchance, en tant que symptôme relatif à un déficit d'harmonie psychique et familiale, est alors révélatrice d'une maladie. Par exemple, le manque durable de travail peut masquer un manque d'assurance lié à une déstabilisation familiale et se soigne alors au même titre que d'autres maladies graves.

Un tradipraticien (guérisseur traditionnel) est une autorité spirituelle. Il soigne d'une manière intégrée, à la fois le corps avec des plantes, à la fois l'équilibre mental et familial au travers de rites et de croyances. La médecine et les croyances traditionnelles sont intimement mêlées, un tradipraticien se fait aider par des génies et ses ancêtres.

L'équilibre familial peut notamment être traité en accusant de sorcellerie une personne de l'entourage avec laquelle la relation est tendue. Le sorcier et ses mauvaises intentions, considéré comme le responsable de la maladie de son proche, subira alors un rejet plus ou moins radical de la part de sa famille. La sorcellerie est donc un phénomène de déstabilisation psychique et communautaire. Et la personne la plus à même de déséquilibrer le malade se trouve parmi celles auxquelles il est attaché, donc l'un des proches. En proposant de partiellement désolidariser cette personne de la communauté, les croyances liées à la guérison traditionnelle servent de soupapes de sécurité lors de trop grandes montées en pression de la cohésion sociale.

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