La perception du bien et du mal provient en partie du passé de la communauté. Elle a sa logique particulière, laquelle n'est pas partagée, ne peut ou ne doit pas être entièrement adoptée par les étrangers à la communauté. La frontière d'une communauté fait ainsi corps avec la limite du consensus moral. À la frontière termine la possibilité de moralement se lier, à la frontière commence la violence des rapports de force sans morale.
Au sein d'une communauté, l'indifférence n'a pas de place. Chacun juge en permanence de la moralité du comportement d'autrui. Dans un cadre de coexistence de communautés, si deux individus ne se découvraient aucune base morale commune, alors l'un et l'autre se percevraient mutuellement comme immoraux. Tout lien moral devenant impossible, ils seraient potentiellement ennemis. Là où les réflexes communautaires règnent, l'alternative est, ou l'intégration, ou l'exclusion.
Fort heureusement, malgré d'indubitables traits conflictuels, la morale d'une communauté est rarement exclusive des autres morales. En fait, tout individu appartient simultanément à une multitude de communautés qui s'imbriquent et se superposent. Chacune avec des coutumes et donc une morale propre.
Empruntons à l'ethnologue Marshall Sahlins une image que nous intitulons ici : « Les cercles de communautés ». Modifions-la un peu et laissons aussi un religieux y ajouter sa religion.
On le voit, il existe toujours une communauté dont le cadre permet l'établissement de liens moraux. Les relations seront plus ou moins sujettes à la solidité suivant le cercle dans lequel elles s'inscrivent, les liens moraux les plus intenses se situant plus aisément dans les cercles les plus restreints.