<< < > >>

Chapitre 39

Corruption ou trahison

Selon une conception moderne, la corruption apparaît dès qu'un lien moral influence l'application d'une règle. Or, dans un contexte de primauté des liens moraux, l'application inflexible de règles impersonnelles est vécue comme de la méchanceté.

L'utilisation de pressions morales règne ainsi dans les rapports du quotidien les plus insignifiants. La bienséance peut demander de faire un geste envers un médecin, une sage-femme, un juge, un douanier, un policier, un portier… Après tout, les conventions encadrant les rémunérations de telles ou telles professions sont culturelles. La nature de la gratification ne varie pas substantiellement selon qu'elle est adressée à un douanier ou à un serveur de restaurant ; il s'agit toujours de greffer un lien moral — et donc de la sécurité — sur une relation qui serait sinon impersonnelle et d'une rigidité inhumaine.

Lorsqu'un besoin d'argent survient, une famille fait appel à ceux de ses membres qui peuvent payer en fonction de leurs niveaux sociaux, du degré de parenté, de la gravité du problème à résoudre. En résultat, un directeur est tenu de financer les problèmes les plus onéreux de sa famille au sens le plus large. En outre, la propriété est traditionnellement ouverte et adaptable selon le jeu du consensus. Aussi, plus le besoin est crucial et moins l'entourage comprend que les ressources accessibles ne lui soient pas allouées. Sitôt les besoins de sa famille dépassant ses moyens, le responsable est mis devant l'alternative de se corrompre vis-à-vis des règles de gestion ou de trahir sa famille.

Le directeur perplexe
Le directeur perplexe
SOMMAIRE << < > >>