Éditer un livre lorsqu'on est inconnu

Le 11/02/2009, par Thomas

J'ai choisi de distribuer gratuitement mon livre, y compris les fichiers pour imprimer. Voici pourquoi.

Deux conditions à lever

Au départ, un auteur inconnu n'a pas d'espoir de vendre, car :

  1. Les lecteurs ignorent l'existence de son livre.
  2. Un prix est une barrière : l'argent est toujours limité et le lecteur risque d'être déçu et de regretter.

Tout le problème est de lever ces deux conditions. Afin d'abaisser la barrière, on peut tenter de réduire le prix. Mais la réduction des coûts passe par une augmentation des volumes, ce qui demande une mise de fond risquée pour l'auteur ou l'éditeur. L'autre option — que j'ai choisie — est la gratuité. La barrière disparaît si l'on rend le livre gratuit.

Il reste le plus dur : faire connaître son existence au moyen d'un site dédié, par le bouche à oreilles, par l'utilisation de services spécialisés comme le site de mon éditeur InLibroVeritas chez qui l'on trouve un public particulier malheureusement pas toujours solvable ou habitué à payer.

Une fois le livre lu, le lecteur est au courant de son existence et son achat devient sans risque, les deux conditions empêchant la vente sont donc levées. Le lecteur a en revanche perdu une raison d'acheter : l'envie d'en découvrir le contenu. La question qui reste est : comment donner malgré tout l'envie d'acheter ?

Donner des raisons d'acheter

J'ai deux pistes. En premier lieu, pour offrir. Un lecteur qui a aimé un livre aura envie de le partager, par exemple à l'occasion d'un anniversaire. Une adresse Internet ou un feuillet imprimé et agrafé n'est pas un vrai cadeau, il va donc en acheter une belle version. Deuxième piste : pour mettre dans sa bibliothèque personnelle. On ne met pas non plus un feuillet agrafé sur une étagère au côté d'autres livres.

Admettons que l'on cible ces deux catégories de clientèles : les offreurs de cadeaux, les « collectionneurs » et leur bibliothèque privée. On peut alors réfléchir dans le but de rendre encore plus nécessaire un achat. Il importe d'abord que le livre soit beau : la qualité du rendu (faire son PDF avec de bons outils), mais aussi la qualité de l'impression, sont primordiales. De plus, dans mon cas, mon livre est illustré, ceci afin d'alléger la lecture qui est sur le début un peu ardue. Voilà un moyen puissant de distancer les imprimantes personnelles : le livre acheté, imprimé sur du matériel professionnel, sera de meilleur qualité.

Conclusions

Sur les limitations, cette stratégie ne fonctionne pas sur le court terme. Mon raisonnement ne s'applique donc pas, par exemple, aux ouvrages d'actualité. Ceux-ci se rangent en effet moins volontiers dans une bibliothèque d'une part, et, d'autre part, pour en faire cadeau, il faut pouvoir attendre les six mois qui nous séparent du prochain anniversaire à fêter : l'actualité aura le temps d'être caduque !

La technique de mettre un écrit partiellement en ligne me paraît, en fait, de la part d'un auteur inconnu, présomptueuse : d'abord le risque n'est pas totalement levé, ensuite l'internaute habitué à ne pas payer préférera rester sur sa faim et, du coup, n'osera pas non plus l'offrir.

Certains auteurs chez mon éditeur mettent leur écrit librement consultable en ligne, tout en rendant payant le fichier à télécharger. Ce « juste milieu » est contre-productif : le public potentiel est réduit à ceux qui peuvent lire un livre entier, connectés en permanence sur l'Internet. Quel est l'intérêt d'éliminer les autres ?

Si l'on veut être édité de manière conventionnelle, il faut une maison d'édition qui s'engage à faire une vraie promotion, sachant qu'il n'y a pas de la place pour tous. Par contre je ne vois pas l'intérêt d'un petit éditeur qui ne permettrait pas une diffusion gratuite par ailleurs. Un éditeur inconnu qui publie un auteur inconnu vendra quelques centaines d'exemplaires, au mieux de quoi couvrir ses propres frais, mais ne rémunérera pas vraiment l'auteur à la hauteur du travail d'écriture.

En dehors d'avec des éditeurs capables d'assurer une réelle promotion, mieux vaut donc ne pas signer un contrat d'exclusivité. Une licence ouverte ou libre, qui autorise la duplication, s'impose. Car plus on sera lu, plus on vendra.


Notes

Mon livre est ici.

InLibroVeritas est un petit éditeur français qui publie les oeuvres d'auteurs travaillant sous des licences ouvertes ou libres, donc sans contrat d'exclusivité. Depuis son site principal, les auteurs peuvent publier leurs oeuvres gratuitement, mais sur Internet seulement. Les lecteurs peuvent librement lire en ligne ou bien composer et acheter un livre « à la carte » qui sera tiré en un seul exemplaire. Un exemple d'oeuvre : Le voyage andalou de Michel Barrios. En marge de ce site existe un service d'édition à compte d'auteur, mon livre y est.

Sur les licences ouvertes ou libres, les plus classiques sont celles de Creative Commons. Il existe aussi une licence française dénommée Art Libre.