Écolibéralisme

Mis à jour le 08/11/2008 (posté le 27/05/2007), par Thomas

1 - L'écologie...

L'écologie est l'étude de l'habitat. Elle consiste à étudier les interactions des êtres humains avec leur environnement. De nombreuses discussions relatives à l'écologie gagneraient à répondre à une question préalable : « pourquoi l'environnement devrait-il être défendu ? » Ce document part du principe que les générations humaines à venir doivent pouvoir bénéficier d'un environnement de qualité au moins équivalente à celui d'aujourd'hui. De la même manière, par exemple, que ces mêmes futurs êtres humains ne devraient pas avoir à rembourser des dettes que l'on contracterait aujourd'hui.

Ainsi, ici, la protection de l'environnement est un problème éthique. Polluer, c'est voler. De même que l'on n'est pas libre de voler autrui, on ne peut dégrader l'environnement des futures générations. De notre point de vue, la création d'un marché de « droits à polluer » ou la taxation des activités polluantes, est au fond aussi immorale et a aussi peu de sens qu'en aurait un marché de « droits à voler » ou une taxe sur l'activité des voleurs.

Qu'est-ce que la pollution ? Dans l'absolu, tout est « biodégradable » puisque chacun des produits des activités humaines finit, à terme, par être dégradé par la nature. La préservation de l'environnement des générations futures nous fera prendre la durée d'une génération ou d'une vie humaine comme ordre de grandeur que le processus de biodégradation ne devra pas dépasser. Chaque être humain est alors responsable de la pollution qu'il génère et qui serait susceptible de porter préjudice aux générations à venir. L'objet de ce document est de montrer comment, dans le cadre de la protection de l'environnement, la responsabilité pourrait être évaluée au travers de débats.

2 - Des problèmes écologiques dans la conception libérale de la propriété

Voici deux exemples sur la notion de propriété dans l'idéologie libérale :

Premier exemple : vous trouvez un bâton par terre. Ce bâton n'est à personne, et n'est utile à personne. Vous le prenez, vous sortez votre couteau, vous le transformez en statuette. Votre travail est une manifestation de votre liberté. Et votre travail n'a été nuisible à personne (autrement vous êtes responsable, ce qui nécessite se s'arranger ou rembourser ou corriger). L'idéologie libérale explique : « vous vous êtes approprié ce morceau de la nature par votre travail ». Cette statuette vous appartient, elle n'est plus le bâton que tout le monde pouvait prendre. Puisqu'elle vous appartient, vous pouvez l'échanger. Mais vous pouvez aussi la donner. Et y compris à vos descendants. Ensuite, le monde est rempli de « statuettes » faites avec du travail sur des bouts de la nature.

Deuxième exemple : un berger a l'habitude de venir faire boire ses moutons dans une rivière. Toujours au même endroit. Et depuis des années. Une usine s'installe alors en amont et pollue l'eau. L'idéologie libérale explique : le berger était là avant, il utilisait l'eau en aval avant. Il s'était donc approprié par son travail la rivière en aval. Et l'usine n'avait donc pas le droit de dégrader la qualité de l'eau appropriée par le berger. L'usine est responsable et doit réparer le préjudice. Le droit libéral protégerait donc le berger. Notez que le préjudice doit être avéré : afin d'éviter toute législation liberticide, le libéralisme promeut une responsabilité que l'on vérifie a posteriori.

Voici pour la conception libérale de la propriété. Ensuite, une fois les droits de propriété bien définis, chaque propriétaire est totalement maître de ses propriétés. En particulier, si un propriétaire détériore les bouts de la nature dont il est propriétaire, l'idéologie ne voit rien à y redire. Il serait donc imaginable que le propriétaire d'une grande forêt, non seulement la rase pour vendre du bois, mais en plus la pollue durablement avec des activités plus ou moins rémunératrices. Ce qui pourrait compenser la perte de valeur de terrain.

De plus, en respirant on utilise l'air, on le « travaille », donc on se l'approprie. Et de même que le berger peut s'opposer à un (nouveau) pollueur en amont, le Péruvien peut s'opposer au pollueur Européen qui pollue l'air habituellement « travaillé » au Pérou. Du moins, il devrait pouvoir. Mais comment ?

Autre problème : s'il est avéré que qu'un individu est asthmatique à cause des gaz d'échappements de voitures, qui doit-il attaquer en justice ? Tous les conducteurs de voiture ? Dans l'état actuel des choses, il serait ridicule d'espérer gagner une telle suite de procès. Et aucun conducteur n'est totalement responsable de la maladie. En pratique dans le monde d'aujourd'hui, il ira donc plus probablement monter une association, se retourner vers l'Etat, et exiger une législation contraignante.

Et puis si les activités humaines contemporaines provoquent des changements climatiques majeurs ou des altérations locales comme l'avancée des déserts et la pollution des eaux, ce sont nos descendants plus que nous-même qui les subiront.

Le problème moral qui se pose au travers de la préservation de l'environnement vient des autres êtres humains éloignés dans le temps et dans l'espace. Au final le principe proposé est le même : nos contemporains et nos descendants devraient pouvoir vivre demain dans un environnement de qualité au moins équivalente à celle dont on bénéficie aujourd'hui.

3 - Remplacer l'appropriation par l'emprunt

3.1 - On est propriétaire de ce que l'on crée

L'appropriation par le « premier arrivé » est un réflexe, certe naturel, mais qui me semble contestable. Chaque individu est le légitime propriétaire des fruits de son travail, donc de ce qu'il a créé. Mais non pas de ce qu'il a trouvé. Ainsi le propriétaire de la statuette citée plus haut, est en réalité propriétaire de son travail (la transformation en statuette) mais non du bois qui a été produit sans lui. Puisqu'aucun être humain ne l'a créé, c'est que le bout de bois ne peut avoir de propriétaire, ni collectif ni individuel. Admettons que le droit du premier arrivé fasse du sculteur le propriétaire exclusif du droit d'usage sur le bâton. Il peut alors l'utiliser, le transformer comme bon lui semble. Cependant, il ne peut pas transformer ce bâton en un produit qui, une fois rendu à la nature (sous forme de déchet), mettrait plus qu'une génération humaine à se biodégrader. Au fond, le créateur de la statuette est propriétaire de la transformation en statuette, et locataire (usufruitier) du support en bois.

Un exemple pratique : le pétrole. Lorsqu'il est sous terre, il n'intervient nulle part, dans un processus stabilisateur ou autre de la nature. Pour la nature, c'est un déchet. Donc on peut le prendre sans causer d'altération à l'environnement. En revanche, sa consommation induit à ce jour une dégradation sur une autre ressource naturelle empruntée : l'atmosphère. Des solutions pourraient être :

  • Trouver un moyen de ré-enfermer les déchets à la sortie
  • Trouver une technique pour « nettoyer » les déchets
  • Prouver que la biodégradation est plus courte qu'une échelle humaine.
  • Ou bien l'utilisation de pétrole est immorale et donc à proscrire.

Un autre exemple concernant les arbres coupés pour faire du papier. Soit l'entreprise qui coupe, replante autant et gère pour que ça repousse. Soit ce n'est pas son métier de faire repousser : elle paye une entreprise spécialisée pour ça. On reste donc sur une organisation classique de marché.

3.2 - La durée de l'emprunt

La durée d'emprunt de supports (bois ou autres) à la nature est indéterminée. En effet, du moment que les cycles naturels ne sont pas perturbés par l'emprunt, il n'y a pas de raison écologique à fixer une limite. Le droit d'usage est donc aussi transférable à quiconque, y compris aux héritiers. Cependant la question du retour à la nature reste en suspens : le support emprunté sera un jour restitué à la nature, et en prévision de ce moment, chaque individu a le droit et le devoir de dénoncer un éventuel état dangereux de la chose empruntée par autrui.

3.3 - Le taux d'intérêt de l'emprunt

La qualité de l'environnement futur peut être maintenue ou améliorée (taux nul ou positif), mais ne doit pas être détériorée (taux négatif immoral). Le taux d'intérêt à respecter pour l'emprunt du morceau d'environnement est donc nul.

3.4 - Qui surveille et selon quels critères ?

Des associations, des journalistes, de simples individus constatent qu'une activité humaine emprunte ou modifie des « bouts » de la nature. Ils peuvent alors émettre des doutes quant à la restauration de ces bouts de nature empruntés ou modifiés. Si le responsable de l'activité ne les convainc pas, un procès peut être intenté. La charge de la preuve de restauration (ou de non dégradation) de chaque bout de nature pointé par les accusateurs, est alors à l'emprunteur. Les emprunteurs se justifient. Les juges appliquent le principe de non dégradation. Un organisme de contrôle n'est donc pas nécessaire.

Principe de non dégradation : le juge vérifiera qu'il n'y a pas dégradation de l'environnement à une échelle humaine. L'environnement observé sera les « bouts » de nature que les accusateurs auront signalés comme empruntés et/ou modifiés.

Critères d'évaluation : les emprunteurs montent leur dossier comme ils l'entendent pour se justifier. Les associations pointent les faiblesses des preuves et font éventuellement des contre-expertises. Les juges tranchent. Cette recherche de l'impact de toute activité sur l'environnement sera comme tout processus de découverte, elle ne garantira pas dans l'absolu que l'environnement sera préservé, mais la préservation visée sera l'optimum accessible par les connaissances humaines.

Soyons clair. Il ne sera jamais possible de prouver qu'une action humaine, même la plus anodine, a un risque nul d'engendrer un impact non résorbable à notre échelle de temps. L'objectif est que chaque activité humaine puisse faire l'objet d'un débat public quant à son impact sur l'environnement. Et par ce moyen, que chacun réfléchisse à son niveau à l'impact de ses activités sur l'environnement. Dans la pratique, la majorité des activités humaines ne feraient pas l'objet d'un débat, puisque perdre un procès coûte cher, y compris pour les associations écologistes. Et la moindre petite incertitude n'aboutira pas à l'interdiction d'agir. Le juge peut accepter une preuve incomplète s'il estime que le risque de dégradation est insignifiant. De plus, aucune activité ne serait prohibée par défaut. Mais chacune pourrait faire l'objet d'un examen par chacun. Et les emprunteurs (propriétaires de l'usage) deviendraient responsables de la chose empruntée et des dommages collatéraux. Et ceci sans qu'il soit nécessaire qu'un préjudice précis existe dès aujourd'hui envers d'autres êtres humains.

4 - Exemples

4.1 La pollution atmosphérique

Le responsable de l'altération de l'environnement est le pollueur. Le pétrole ne serait pas taxé et quiconque aurait le droit d'en produire et d'en vendre, sous réserve de ne pas dégrader l'environnement dans l'activité d'extraction. Le producteur n'aurait pas à se préoccuper de la pollution occasionnée par ses clients. En revanche, le conducteur d'une voiture voiture ne doit pas dégrader l'environnement.

Si le conducteur n'est pas capable de prouver que les gaz que son activité rejette dans l'atmosphère, ne dégradent pas l'environnement, alors il serait aisément attaquable en justice. Les solutions que je vois sont les quatres listées dans la section 2.

Ce que ça change : presque rien si le conducteur prouve que les rejets de sa voiture ne sont pas nuisibles à une échelle de temps humaine. Par exemple s'il utilise du biocarburant. Autrement, soit il se procure un moyen technologique pour ne pas dégrader l'environnement, soit il risque de se voir interdire de rouler.

4.2 Les ordures ménagères

En Occident, la vie de tous les jours nous amène à remplir nos poubelles d'emballages et d'outils usagés. En devenant responsable des altérations sur l'environnement, chaque foyer devient responsable de la restitution à la nature de ses déchets. C'est à dire de leur destruction sans pollution. Comme a priori un foyer n'a pas les compétences en la matière, il contracte avec une entreprise de retraitement des ordures. En payant cette entreprise, le foyer se décharge de sa responsabilité. L'entreprise spécialisée devient responsable des déchets. A elle de les détruire ou de les recycler.

En conséquence, l'entreprise de retraitement ne pourra accepter que les déchets qu'elle saura traiter. Autrement, elle risquerait d'être elle-même interdite de fonctionner. Les foyers ne pourraient alors se débarrasser que des déchets acceptés par l'entreprise. Un foyer voulant rester dans la légalité reporterait donc sa consommation sur des produits dont les déchets sont acceptés par son entreprise de retraitement.

Ce que ça change : les prix de retraitement deviennent fonction des catégories de déchets. Des types de contrats différents apparaissent, selon les moyens de chacun. Le travail simultané de plusieurs entreprises de retraitement peut se faire au travers des infrastructures locales de ramassage. De la même manière que les câbles téléphoniques appartiennent en France à l'opérateur national, mais plusieurs entreprises peuvent proposer des services dessus.